Réhabilitation : risque pyrotechnique maîtrisé à l’ancienne raffinerie

Le risque pyrotechnique était bien connu. En juin 1944, dans cette petite ville côtière de l’Hérault, un bombardement américain avait anéanti les installations pétrolières ainsi qu’une bonne partie du centre-ville, distant seulement de quelques centaines de mètres. Dès 2018, bien avant le démarrage du chantier, une Étude Historique et Technique de Pollution Pyrotechnique (obligatoire en pareils cas) confirmait que le risque de déclencher un engin explosif au cours des opérations devait être pris très au sérieux.

Un risque identifié mais pas localisé

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les vues aériennes du site prises après le bombardement, on comptabilise pas moins de 58 cratères et il est communément admis qu’à cette époque, environ 10% des bombes aériennes n’explosaient pas à l’impact… Par ailleurs, l’exploration des archives disponibles n’a pas permis pas de trouver trace d’une campagne de déminage en bonne et due forme après la guerre.

Pour localiser précisément d’éventuels obus, bombes, roquettes ou grenades, un diagnostic pyrotechnique est habituellement recommandé. Mais cette opération, qui consiste à détecter les métaux présents dans le sol à l’aide de diverses sondes (par magnétométrie, électromagnétisme ou encore à l’aide d’un géoradar) est ici impossible : sur ce site industriel où une raffinerie a fonctionné de nombreuses années puis a été détruite, le sol contient d’innombrables objets métalliques ainsi que des dalles de béton ferraillées.

Des précautions contraignantes…

L’enjeu est alors de prévenir toute situation qui pourrait entrainer une explosion du fait d’un choc ou sous l’effet de vibrations. Pour le bon déroulement du chantier, les spécialistes de l’équipe pyrotechnique de Séché Éco Services sont alors chargés de mettre en œuvre une série de procédures et de méthodes de travail :

• Assistance permanente au terrassement : un opérateur de dépollution pyrotechnique assure un contrôle visuel direct et constant des opérations de la pelle hydraulique.
• Terrassement par fines couches, avec vidage délicat et progressif de chaque godet pour vérifier son contenu.
• Interdiction d’utiliser un brise-roche hydraulique (BRH) pour briser les dalles de béton afin d’éviter la propagation de vibrations importantes dans le sol. Chaque dalle doit être détourée et les plus imposantes doivent être pré-sciées puis cassées au godet.
• Optimisation du compactage pour assurer la portance du sol tout en limitant les vibrations lors des opérations.
• Sensibilisation de tous les acteurs du chantier pour s’assurer que chacun applique bien l’ensemble des procédures de sécurité et sait comment réagir à toute éventualité.

Il faut s’imaginer ce que signifient de telles mesures sur un immense chantier de 11 hectares, qui implique l’excavation de plus de 165 00 m3 de terres polluées aux hydrocarbures. Un chantier où les opérateurs sont équipés de combinaisons Tyvek, résistantes aux produits dangereux et d’Appareils Respiratoires Isolants (ARI), et où l’on travaille sous une immense tente de confinement destinée à réduire les nuisances olfactives pour les riverains tout proches.

… Et des vies sauvées

Mais tous ces efforts n’auront pas été vains. Lorsqu’un objet métallique est découvert au cours des opérations d’excavations, tout se passe exactement comme le prévoyaient les procédures. L’opérateur de dépollution pyrotechnique, interrompt immédiatement le chantier et confirme rapidement la découverte : il s’agit d’une bombe d’aviation américaine de 250kg dotée de deux « fusées » (ou détonateurs). Aussitôt l’alerte est donnée, tous les collaborateurs sont évacués et rassemblés à bonne distance et les services spécialisés de la Sécurité Civile de Montpellier (Déminage 34) sont contactés.

Arrivés rapidement sur les lieux, les démineurs prennent connaissance de la situation et parviennent à démonter l’une des deux fusées. Impossible toutefois de retirer la seconde : la bombe ne peut pas être déplacée, il faut la stocker de façon sécurisée. Les équipes Séché Éco Services apportent alors leur concours en réalisant en un temps record un stockage dormant, une fosse où l’engin est entreposé et recouvert de sable en big bags.

Une élimination sans accroc

Le chantier peut ainsi reprendre le temps que soient organisées les nécessaires mesures de protection de la population par les services de l’Etat. L’opération de déminage sera finalement programmée pour la nuit du 22 au 23 mars 2025. La sécurité civile prévoit un périmètre d’environ 200m qui comprend une partie du centre-ville et doit être entièrement évacué ainsi qu’une zone de confinement obligatoire de 450m concernant entre 4 000 et 5 000 habitants.
L’opération elle-même consiste à découper (par jet d’eau abrasif) le corps de la bombe pour en extraire la deuxième fusée. Celle-ci, qui consiste en une petite charge explosive, sera détruite sur place tandis que la bombe enfin désarmée sera emmenée dans une carrière à proximité pour être détruite.

En entendant les détonations au loin les membres de l’équipe de dépollution pyrotechnique et tous les collaborateurs sur le chantier ont ressenti à la fois un certain soulagement et surtout une grande fierté. Grâce à leurs efforts, à leur sang-froid et à leur professionnalisme, aucun blessé n’est à déplorer, la réhabilitation du site a pu reprendre et ils ont pu apporter leur concours aux agents de la Sécurité Civile pour préserver la population.